De l’invisible au visible
Je porte en moi les sons de la vie, les échos contemporains des livres anciens, de Job, de Jérémie. Il m’a fallu de nombreuses années avant de parvenir à exprimer de façon visible cette musique intérieure.
Ce sont les rencontres de la vie qui m’ont conduite à mettre en couleur, en forme, mes émotions enfouies. Il fallait dire. J’étais prête enfin. Une formation à Vence ayant pour thème « Art et Spiritualité » fut la révélation. Je comprenais ces deux mots magiques : « Art » et « Création ». En tout cas, il me fallait revenir aux moyens des origines : par terre, à même le sol, avec mes mains, mes doigts, mes ongles, au commencement, je couche la matière, je la lave, je l’essuie, j’ajoute de la couleur, je lave à nouveau, je mets, je retire.
L’utilisation de l’eau, de l’essence, permet de faire sortir d’autres couleurs, des couleurs transformées, des couleurs plus fortes, plus chaudes, des couleurs que je n’imaginais pas. Avec véhémence, mais aussi avec une grande délicatesse, la trace de mes émotions apparaît sur le tableau. Je continue de poser la matière – huile, acrylique, encres de Chine – je la griffe.
Je choisis aujourd’hui de peindre sur du médium, support en bois reconstitué, très solide. Le papier, je le déchirais, la toile, je la crevais ; le bois me résiste. Elles sont toutes là, ces traces, visibles dans tous les sens. Il me faut maintenant entrer sur le chemin qui va donner sens à ma peinture. Je m’arrête, je regarde cette vie commencer, je réfléchis, j’interroge les couleurs posées.
Viennent alors les étapes maintenant nécessaires :
- structurer mes émotions ;
- chercher l’essentiel ;
- trouver le mot juste, inviter à une juste lecture.
J’épure, j’épure donc encore, je lave de nouveau, je voile, je dévoile, je pose. Je veux faire vivre le noir, le noir mat, le noir brillant, le noir lumière ; Je veux faire jaillir le blanc, le blanc épuré ; ce qui reste du blanc. Je veux jouer avec toutes ces couleurs posées ; Je veux donner un rythme à ma musique ; Je veux donner vie à la peinture. Je continue à chercher.
…jusqu’à l’étonnement d’une expression apparue.
Le tableau est fini.
J’ai dit.
